Arêtes rocheuses dans les Vosges et le Jura

Ce week-end de la mi-juin, nous étions de sortie dans les Vosges et le Jura suisse. Objectif : réaliser des  arêtes rocheuses et se préparer ainsi à la  saison estivale dans les Alpes.   

jura1.jpgUne fois de plus... mais quand on aime, on ne compte pas... nous sommes retournés faire l'arête des Spitzkoepfe. Et cette fois-ci, nous avons choisi la plus belle marche d'approche qui soit pour y accéder, celle qui démarre du village de Mittlach, puis remonte la vallée de la Wormsa par le GR5, passe par les lacs glaciaires de Fiescboedle et Schiessrothried. Une trouée dans la forêt permet, l’œil averti, de deviner cette discrète arête, bien camouflée par les arbres, surtout sur son versant nord. Les Spitz, comme on les surnomme, sont constituées d'une enfilade de petits pics granitiques dressés vers la crête principale située au sud du Hohneck, chevauchant entre 1020 et 1200m d'altitude. Et c'est toujours un véritable plaisir que de traverser tous ces petits gendarmes rocheux, d'une difficulté ne dépassant pas le niveau III sup. Quelques sangles et coinceurs suffisent pour assurer les endroits plus aériens,
mais la vigilance s'impose. Après deux bonnes heures de chevauchée, nous débouchons en haut de l'arête qui se connecte alors sur le GR5 des crêtes.


La descente se fera par les chaumes du Kastelberg, où nous pouvons contempler le versant sud des Spitz, plus spectaculaire car dénué d'arbres. 

Deuxième arête, et ce fut une découverte cette fois, l'arête calcaire du Raimeux, dans le Jura suisse. Et quelle découverte!! A l'origine, nous en avions entendu parler pour la première fois il y a deux ans, lors de la traversée de l'arête des Sommêtres, située non loin de là dans les Franches Montagnes. Après un petit repérage géographique et la collecte de quelques informations auprès de l'office du tourisme de Moutier l'année dernière, nous voici enfin, quelques topos en main, prêts pour l'aventure. A l'inverse des précédentes, l'arête du Raimeux, appelée aussi "Grande Arête», ne demande aucune marche d’approche. jura2.jpgLe parking d'accès se situe au bord de la route cantonale et de la voie ferrée Moutier-Delémont. Beaucoup de bruit donc émanant de ces voies de communication, surtout au début de l'escalade, mais ensuite cela s'estompe progressivement. La Grande Arête, orientée ouest-est et longue de deux kilomètres, commence à une altitude de 500m et se termine, si on la fait dans son intégralité, à 1100m. Après cinq minutes de montée par un chemin de gravillons dans la forêt, nous atteignons le pied d'une dalle haute d’une soixante de mètres et dans laquelle plusieurs itinéraires d'ascension sont possibles, allant du 2a au 4c. Nous choisirons les vires en 3c pour parvenir en haut de celle-ci, là où démarre vraiment l'arête. Des traces de fossiles marins sont bien visibles à certains endroits ; le topo indique même la présence d'empreintes de dinosaures, mais sans doute étions-nous trop concentrés, nous n'en avons pas vu. La première partie de l'arête est la plus intéressante: d'abord une montée facile en gradins, et puis une succession de passages rocheux courts, entre cinq et quinze mètres, mais très jolis, qui peuvent aussi être contournés, mais cela dévalue la traversée. Ils sont assez bien équipés et il est parfois possible de rajouter l'un ou l'autre friend pour se rassurer... Ces passages portent des noms originaux, avec dans l'ordre de la traversée : "Le Dièdre Gallet" et un pas de 5b, "Le Bastion ", petit pilier de huit mètres en 5a, "Le Canapé", belle fissure en 3a, suivie par un premier rappel de cinq mètres. Juste après celui-ci, nous arrivons au pied du " Donjon", pilier à trous de quinze mètres en 5a, suivi à nouveau d'un rappel de cinq mètres. Vient "La Noisette", beau bloc jura3.jpggravi par une fissure en 3c. Cela fait déjà deux heures que nous nous régalons sur cette arête baignée de soleil. Le topo indique ici la possibilité d'interrompre l'escalade et de descendre par un chemin forestier en face nord. Nous préférons continuer, même si la suite est mentionnée comme moins attrayante et aussi moins équipée. L'aventure se poursuit. Certes, une paroi pitonnée de fiches de fers facilite l'escalade d'un mur en 3a, mais bien vite  le naturel reprend le dessus avec " La Via Mala", superbe enchaînement d'un bloc et d'une cheminée en 5b. Suit alors une longue section facile mais très aérienne, dominant les voies d'escalade de la face sud. A une petite brèche où il est à nouveau possible de descendre en face nord, nous gravissons le "Pic André", jolie cheminée en 4c. A nouveau, une longue section aérienne sur l'arête facile nous conduit au "Philosophe", petit sommet anodin qui nécessite un rappel de 25 mètres si l'on suit intégralement le fil de l'arête. N'ayant pas pris de corde assez longue, nous n'aurons pas d'autre choix que de le désescalader facilement par son versant nord et de rejoindre un collet d'où il est possible de descendre en face sud mais le topo le déconseille, car "le chemin est peu utilisé et parsemé de blocs instables". Bref, nous continuons ; un vieux clou et surtout des friends permettent de franchir un nouvel obstacle en 4c associant bloc et fissure. Tout doucement, l'arête se réduit à quelques petits rochers, la forêt reprend ses droits, un sentier apparaît pour nous conduire au point 1100m. jura4.jpg
Un cairn indique le "sommet" de l'arête. Cinq heures de traversée, cinq heures de régal, cinq heures d'aventure, cinq heures de solitude...  Seules deux cordées étaient présentes jusqu'à mi-chemin. Dans la deuxième partie plus sauvage, nous aurons croisé un chamois, tout surpris de voir deux bipèdes bien hésitants sur l'arête ainsi que quelques petits lézards se dorant sur le chaud calcaire et nous narguant avec leur aisance de se déplacer sur la roche. Un petit sentier descend sur le versant sud. Il mène à l'auberge du Raimeux puis au hameau de Belprahon. Il nous faudra tâtonner quelque peu pour trouver le bon chemin de descente qui longe toute l'arête par la Combe du Pont. Une bonne heure de marche nous ramène au parking de départ. Retour à la civilisation...  

Les documents à disposition étaient la carte topo suisse au 1/25000 Moutier n°1106, les croquis et itinéraires du topo " Jura Plaisir, éditions Filidor de Jurg Von Känel" ainsi que " Escalade dans le Jura Bernois, éditions du CAS".

Christiane Blaise et Jean-Luc Fohal