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La chronique du Neviau

A un certain moment, j’arrêtais la machine pour dégager quelques tilleuls et profiter un peu du calme de cette journée splendide. Le soleil passait dans les feuilles des arbres, vêtus de toutes leurs couleurs d’automne. Assis seul sur cette vire au milieu de la paroi, je dominais la Meuse brillant de mille miroirs. L’arrière-saison était une fois de plus splendide. Une voix timide me sortit brusquement de mes songeries. « Hep, Monsieur… au secours… au secours ! » Et voilà que j’aperçois, à une dizaine de mètres de moi, en plein milieu de la vire, crispé contre le rocher, l’inconnu ! « Mais qu’est-ce que vous faites là ? Surtout ne bougez pas ! » « Je fais du stop » me répond-t-il, grimaçant… « Je ne trouve plus la route. » En saisissant la corde pour l’attacher, je déclenche la panique… « Non, non, ne m’attachez pas… je resterai sage. » Il ne me restait qu’à m’asseoir et à lui raconter une histoire. Je me souvenais des suicidés de l’hôpital psychiatrique au-dessus des rochers… tristes histoires et découvertes macabres… « Comment vous appelez-vous? » Et alors que je lui parlais du beau temps, il me répondait avec son grand sourire. Il me racontait qu’il habitait Charleroi, qu’il s’était perdu. Je lui parlais de l’île de Dave, la plus grande de Belgique, perle insolite, baignant dans les rayons du soleil, déjà bas sur l’horizon et qui nous éblouissait, tirant des grandes hv268_11.jpglignes de lumière dans l’eau, du château du Duc de Nuñez  avec ses « Fagus pendula purpurea ». Il m’écoutait de son grand sourire, mais moi je me demandais surtout comment l’évacuer ! Il tenait son pantalon d’une main, je me suis mis debout, feignant d’avoir le même problème. Heureusement, il y avait la corde pour faire office de ceinture. Je lui ai proposé la même astuce et le voilà encordé, le guidant sur cette vire rendue glissante par l’humidité du soir, me remerciant de son sourire illuminant tout son visage. Belle cordée descendant à cloche-pied le chemin, le « guide » avec son « client » satisfaits après une belle course. Sur le parking, j’appelle le « 100 ». « Il est blessé ?… non, alors ce n’est pas ici, il faut faire un autre numéro. » Finalement, via les renseignements, j’obtiens le numéro de l’hôpital psy. Il était parti le matin et porté disparu depuis midi. Ils viendront tout de suite. J’enlève la corde. « Merci Monsieur Eddy », désormais, nous ne sommes plus des inconnus. « Merci pour la promenade splendide.» Quand « mon client »  monte dans la voiture nos regards se croisent, deux regards tristes de se quitter. Maintenant, il fait presque noir et le soleil a disparu. Je rappelle le « 100 » pour dire que tout est rentré dans l’ordre. « Allo ici les pompiers de Namur. Ah oui, encore vous !!! Maintenant il est blessé ? »

Le lendemain, me voilà de nouveau à Dave. Un drôle de type, les cheveux gris, un bonnet blanc sur la tête, fait du stop à côté du parking. C’est pas vrai ! Je m’approche avec précaution pour éviter l’aventure de la journée précédente. « Vous allez à Charleroi ? » « Non j’habite Yvoir »… Ouf encore un peu et je téléphonais déjà « en haut » pour qu’on vienne le chercher.
Moralité : avec l’autre « drôle » de type qui arpente le parking, vous avez intérêt à avoir votre carte de membre en règle, sinon vous risquez de troquer votre baudrier contre une camisole et d’être évacué vers l’hôpital.
Comme vous voyez, il y a toujours quelque chose à voir et à faire au Néviau. A bientôt. 

Eddy Abts