FESTIVAL DES TEMPLIERS - Edition 2008
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- Publié le 5 mars 2009
Fin du mois, le trail des Hautes Fagnes. L'entrainement a porté ses fruits: les bonnes sensations reviennent, les jambes commencent à accepter les efforts que je leur demande.
Les sentiers de Freyr n'ont plus de secret, les petites côtes derrière la maison en déboulé... bref, deux semaines avant la date fatidique, je me sens prête... mais bien fatiguée aussi. J'ai hâte d'arriver à ce grand jour. L'expérience de l'année dernière était tellement merveilleuse, je suis impatiente de relever à nouveau ce défi, de découvrir encore cette région magnifique, de courir sur ces chemins, crêtes, hors piste, admirer cette nature aux couleurs de feu, ces villages, murets, ruines,... Un décor enchanteur.
Mardi, petit entrainement, le moral est au beau fixe, derniers encouragements des copains... Je sais que j'en aurai besoin dimanche.
Jeudi, aperçu météo... Ouf, le soleil sera de la partie et la température agréable.
Samedi, après une route sans histoire, je me retrouve à Nant. Visite du salon des courses nature ; une cinquantaine d'exposants proposent variétés de trails, tenues, conseils en tout genre. Retrait des dossards puis courte promenade sur la place de Nant. Les copains vont trottiner, je m'en sens incapable : je suis assaillie d'émotions, trop de souvenirs... La nuit sera courte malgré le changement d'heure. Le stress, le doute, les questions perturbent mon sommeil.
2h30: lever, douche, déjeuner, quelques nappes de brouillard dans la vallée de la Dourbie rendent la route délicate.
4h00 grande animation à Nant. Des traileurs s'échauffent, d'autres profitent du thé ou du café gentiment offerts sur la place. Les commentateurs sont déjà bien en verve. Petit à petit, chacun s'approche de l'arche, dernières photos « avant ».
Monsieur Soquet, maire de Nant, nous souhaite la bienvenue et bonne chance.
Monsieur Vital, directeur de course, nous transmet ses dernières recommandations. Il nous explique le Champ des Pauvres : une région proche de Causse Bégon - troisième ravitaillement- où anciennement vivait une population ayant à peine de quoi subvenir à ses besoins les plus élémentaires. « Ayons une pensée pour eux, nous qui vivons à l'abri de cette indigence » nous demande-t-il. L'année dernière déjà il nous avait raconté une belle légende... Aura-t-il encore de l'inspiration dans son registre dans 10 ans ???
« Maintenant, allumez vos frontales ! »
Et ce ne sont pas loin de 2800 lampes qui illuminent la place de ce petit village.
« Messieurs, les fumigènes ! »
La tension monte.
« Messieurs, Mesdames, musique ! Bonne et belle course à tous et à chacun ! »
L'émotion est palpable.
5h15. Un coup de fusil et le peloton est lâché.
Il me faudra presque deux minutes pour passer sous l'arche de départ. Le long de la route qui quitte Nant, le public nombreux nous encourage. L'ambiance est extraordinaire, c'est magique de vivre un tel moment.
Rapidement nous empruntons une route qui monte doucement en lacets. Là aussi le spectacle des frontales devant mais surtout derrière est merveilleux : une véritable guirlande de Noël dans la nuit encore bien noire. Un large chemin ; nous restons groupés André, Damien et moi... Merci les copains, ma frontale donne des signes de faiblesse : je n'ai pas vérifié les piles. Soiron ne m'a pas servi de leçon !
Puis brusquement, le chemin se redresse, un véritable raidillon à avaler. A nouveau un spectacle inoubliable : on croirait que les frontales tentent de rejoindre les étoiles dont le ciel est inondé...
Parfois, un pied glisse, un concurrent derrière retient et la chute est enrayée... C'est cela aussi l'esprit trail.
Je reconnais l'ancienne voie ferrée, les deux tunnels.
Le jour se lève doucement.
Nous arrivons à Sauclière - premier ravitaillement eau exclusivement - bien en avance sur la barrière horaire... un stress en moins. Le public joue son rôle : le prénom est inscrit en grands caractères sur le dossard, alors les encouragements sont personnalisés, c'est sympathique.
Le corps est bien échauffé maintenant (sauf les mains évidemment). Le cœur est en rythme, je me sens bien. Je suis seule à présent. Je préfère avancer au feeling sans imposer ou être influencée par la vitesse des copains.
Au hasard d'une montée, une crête se dessine doucement avec le lever du jour. J'éteins ma frontale. Je m'arrête afin d'admirer ce paysage : des vallons dans la brume, plusieurs lignes de crêtes... et sur l'une d'elles, une chenille humaine de traileurs. J'espère qu'André immortalisera cet instant...
Le chemin nous emmène de bosses en bosses, il devient plus difficile : des blocs à enjamber, contourner. Courir devient quasi impossible.
Une croix, le sommet du Saint Guiral.
Nous chevauchons une crête puis plongeons vers Dourbie par un hors piste très technique.
Le ravitaillement sera bienvenu, j'en ai besoin mentalement, mais il faut le mériter : une montée, une descente et nous abordons le village par le bas. Et à nouveau, le public joue pleinement son rôle : quelqu'un lit mon prénom et tel un « holla » la foule me porte littéralement. Des boissons chaudes et froides, des tartines de fromage, des fruits secs... bref, de quoi contenter chacun. Je fais le plein d'eau, échange le bandeau contre la casquette et après le passage au poste de contrôle, je repars.
Montée vers la crête du Suquet. Le chemin autorise les dépassements, je peux donc enfin prendre mon rythme, les jambes sont bonnes. Je rejoins une silhouette connue: Jean-Luc. Nous échangeons nos impressions, nos encouragements et je continue. Le sentier poursuit à travers bois puis descend vers Trèves en cheminant dans les buis : technique mais agréable.
« Ravitaillement après la bosse ». Les cuisses commencent à se faire sentir mais je me stimule: là, Christiane, il te reste « une descente de Lesse » à parcourir. Je bois, je mange. Plusieurs concurrents sont assis, ce sera dur pour eux de se relever, de redémarrer. Nous sommes à Causse Bégon, une pensée me traverse concernant le Champ des Pauvres que le directeur de course a évoqué lors du briefing de départ... il y a presque 8 heures déjà...
Et c'est reparti: descente vers Saint-Sulpice et quelle descente... tantôt en hors piste droit dans la pente, tantôt des grosses pierres à enjamber – je dois m'aider des mains tant la marche est haute – tantôt des petits cailloux qui roulent sous les pieds... Bref c'est le coup de grâce pour les jambes ! Le moral reste bon mais les cuisses tiendront-elles ? Traversée du village de Saint-Sulpice et toujours les encouragements, je remercie tous ces inconnus. J'ai aussi une pensée pour tous ceux qui, en Belgique ou autour du Nipalou, m'ont soutenue dans ma préparation et sont avec moi maintenant pour relever ce défi. Ils vont m'aider à trouver un second souffle pour terminer.
Nous passons au pied d'une falaise bien déversée où quelques grimpeurs s'entrainent... Non, je n'irai pas les rejoindre aujourd'hui !
Cantobre, dernier ravitaillement. Certains signalent 7 km encore, d'autres disent 10 km... J'essaie de ne pas écouter et repars sans tarder. 9H20 de course déjà.
Un petit chemin très encaissé ; on croirait remonter le cours d'un ruisseau asséché ; il faut escalader des blocs glissants, verts de mousse : l'organisateur y a d'ailleurs placé des palettes en guise d'escalier car il se doute qu'à ce stade, le corps sera bien fatigué pour réaliser de telles enjambées.
La montée du Roc Nantais est douce mais trottiner devient trop dur, je préfère marcher d'un bon pas et dépasse ainsi quelques concurrents... certains souffrent : les crampes les obligent à s'arrêter...
Nous avançons maintenant sur le plateau : chemin tortueux entre les arbres, petites montées alternent avec courtes descentes... Puis, imperceptiblement d'abord, ensuite de manière plus nette, j'entends le commentateur à Nant. Des enfants m'encouragent: 4 km. Les pompiers au poste de secours me confirment : plus que descendre. Mais la descente est à nouveau abrupte, vertigineuse. Certaines portions sont sécurisées par des cordes. Je ne peux vraiment plus courir et laisse passer des traileurs plus frais, certains dévalent: ils sont impressionnants. Et toujours le commentateur en bruit de fond. L'église de Nant, le village se rapprochent. De gros cailloux m'obligent à rester attentive, toujours bien travailler les appuis, les chevilles sont sollicitées jusqu'au bout. Quelques personnes sur le bord du chemin : « Super, Christiane, tu y es presque ! »
Le petit muret... Je rentre à Nant, je quitte le chemin et prends pied sur la route. Le pont... La foule est amassée des deux côtés, laissant juste la place pour passer. Les applaudissements me portent et malgré la douleur je souris, je cours. Courte descente, petit raidillon. J'entre dans le parc. Emotion maximale mais je ne veux pas craquer maintenant. Au contraire, je redresse la casquette: photo à l'arrivée oblige !
15 mètres, 10 mètres, flash, contrôle, c'est fini...
Cette année aussi, j'y suis arrivée : je suis « Templier ».
Parmi d'autres concurrents, je m'écroule...
Je pense enfin à arrêter le chrono. Il est 16h05 soit 10h50 de chevauchée fantastique dans ce merveilleux pays, 72 km de dépaysement, de découverte, de bonheur,... de souffrance aussi...
Je me relève enfin, vais chercher mon tee-shirt « finisher » : il n'a pas de prix à mes yeux.
Ravitaillement bienvenu: fromage, thé, tartine de Roquefort, yogourt... Je souhaiterais retrouver les copains... mais pas de nouvelle, le gsm reste muet. Puis j'aperçois Jean-Luc arrivé depuis quelques minutes : « Trop de monde, pas possible de courir à mon rythme. Plus dur, plus technique que l'année passée et puis j'étais moins bien préparé... Mais quelle météo généreuse, quel pays magnifique, quelles lumières au lever du jour, quelle journée extraordinaire... »
Douche réparatrice. Sur le chemin vers le repas, nous retrouvons Damien tout frais malgré l'effort : « Qu'elle était bonne la Leffe que je me suis offerte à l'arrivée ! »
André en termine à son tour : « Beaucoup de monde. J'ai bien bu mais j'ai encore eu des crampes... dans les cuisses cette fois ! »
Il nous reste deux heures de route maintenant pour retrouver les copains du Nipalou au refuge Les Aygues à Ruynes en Margeride. Leur accueil sera des plus chaleureux, ils ne tarissent pas de félicitations... Ah les copains, si vous n'étiez pas là...
Deux jours plus tard, je suis à Chamonix où il neige. Hier les jambes ont accepté un petit décrassage. Le corps récupère. Il reste les émotions, le souvenir d'une course extraordinaire mais exigeante... et beaucoup de folders d'invitation à d'autres trails... De quoi rêver...
Christiane Blaise