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Les cinq ânes

Après de longues discussions, après une tentative vers la gauche qui se révéla sans intérêt, il fut décidé de rallier l’arête. Une voie merveilleusement aérienne, conquise en plusieurs journées d’escalade, amena les grimpeurs au pieds  d’une dalle haute d’une dizaine de mètres. Sa surface, parfaitement lisse, n’était brisée que par une mince fissure légèrement oblique. Devant un tel passage, le premier mouvement fut de dire « impossible ». Mais la vue du sommet proche excita l’imagination et l’audace des grimpeurs. Cette audace n’alla  pas jusqu’à tenter d’emblée la fissure sans assurance venant d’en haut.
Delwart et Liénart convièrent  leurs amis à venir regarder et essayer le passage. Après plusieurs tentatives  et beaucoup de5ANES001.png « pendules », la technique  d’escalade de la dalle, acrobatique opposition des pieds et des mains  dans la fissure, parue établie.  Celle-ci fût réussie le 15 septembre 1935 par une cordée de cinq grimpeurs conduits par Henri Delwart.
Excès d’orgueil ou de modestie, les grimpeurs arrivés au sommet se jugèrent aussi fou que les « Quatre Anes » de la Dent Blanche : l’arête des « Cinq Anes » fut baptisée  et donna bientôt son nom  à tout le rocher dont elle fait partie.
Ouverte depuis trois ans, gravie des dizaines de fois, l’Arête des « Cinq Anes » chaque fois nouvelle, n’a rien perdu de son attrait. Sa fissure terminale, qui semble accueillante un jour et rebelle le lendemain, qui se refuse à la brutalité mais succombe à la caresse de gestes plus adroits, est la plus « féminine » des escalades belges. Farouche, elle ne s’est laissée conquérir que par une douzaine de grimpeurs, dont trois ou quatre premiers de cordée.
L’attrait de cette voie fit que, pendant deux ans, personne ne voulu dresser une rivale à ses côtés. Mais un jour, cette période de fidélité prit fin. A droite de l’arête, la paroi est sillonnée de minces fissures verticales, dont la mieux marquée est continue de la base au sommet. Charles de la Vallée, regardant  cette dernière, dit un jour à un ami : « Au fond, il suffirait sans s’arrêter, de grimper toute la fissure en opposition. Il n’y a que le culot qui manque ».
C’est ainsi qu’en une phrase le problème fut théoriquement résolu et la fissure baptisée.
Un jour du printemps 1938, le culot ne manqua plus et deux chutes, sans gravité, vinrent à point pour le tempérer. Après quelques séances de nettoyage et de pitonnage, Charles de la Vallée, passant de la théorie à la pratique, escalada la fissure du « Culot qui manque » en tête de cordée.
Entre l’arête des « Cinq Anes » et le « Culot qui manque », dans le fond d’un dièdre, une fissure restait tapie. Sa partie inférieure se laissa vaincre sans difficulté. Une traversée oblique, à partir  du sommet du « Culot qui manque » permit d’en rejoindre facilement la partie supérieure. Restait au centre un surplomb. Philippe de Liedekerke le vainquit un jour. Une troisième voie était ouverte dans le rocher des « Cinq Anes ». Elle reçut de son premier vainqueur le nom de « fissure Pino Prati ».        

Frédéric de Selliers CAB            

 LES CINQ ANES  L1: 4c, L2: 4c, L3: 6a+
 1935 / H. Delwart [et 4 compagnons] 65 m.
Sortie: (facultative) par La  Traversée Bourgeois (4a).
  5ANES004.png

Départ sur un éperon arrondi, à gauche de l'arête. S'élever plus au moins directement avant d'obliquer à gauche pour rejoindre une cheminée caractéristique que l'on gravit jusqu'à une belle plate-forme, R1. À droite du relais, gravir une cheminée noire, traverser à droite, contourner l'arête (aérien) et s'élever tout droit jusqu'à une confortable terrasse, R2. À droite du fil de l'arête, remonter une belle fissure exposée (fissure des Cinq Ânes). Des coinceurs moyens peuvent conforter un moral vacillant.
Du R2, la sortie habituelle de la voie se fait par la Traversée Bourgeois, d'un niveau plus homogène avec les 2 premières longueurs.

(voie No 5)

http://www.atoi.nl/public/freyr/rochers.htm